L’une des plus belles choses que la Fondation KAM-SIHAM offre depuis sa création en 2007, à ses nombreux patients dépendants, est bien le fait voir le problème au-delà de la drogue. C’est ainsi qu’avec chaque patient, l’objectif final n’est pas centré sur l’arrêt de la consommation, mais le changement de mode pensée et de comportement, mieux un nouveau départ dans un processus de rétablissement.
1. De la désintoxication au sevrage : le passage nécessaire
Que ce soit les familles ou les patients, presque tous sont centrés sur l’arrêt de la consommation lorsqu’ils frappent à la porte de la Fondation KAM-SIHAM (ils sont en mode désintoxication). C’est pourquoi après la première semaine lorsque le patient est stabilisé, sa famille et lui croient généralement que ce dernier est déjà guéri et n’a plus rien à faire à la Fondation KAM-SIHAM. Ils oublient deux choses importantes : 1. l’addiction est la conséquence d’un problème sous-jacent / 2. La drogue a changé le fonctionnement mental du patient (c’est justement la définition d’une drogue)
Le rétablissement passe donc par la découverte du problème profond spécifique à chaque patient : pourquoi suis-JE devenu dépendant ? (cf objectif de la première semaine : qui suis-je ?). Mais le rétablissement passe surtout par le changement des pensées et du comportement (ce qui se travaille pendant les deux prochaines semaines avec l’insertion socioprofessionnelle). Un patient évolue bien non pas quand il a arrêté de consommer mais lorsqu’il change concrètement sa manière de penser et d’agir (mode sevrage).
2. Pourquoi choisir le sevrage ?
Les patients dépendants se retrouvent piégés dans un nouveau mode de fonctionnement. Leur drogue devient le centre de leur vie au détriment de tout le reste (projet, famille, ami, etc.) ; ils plongent dans l’égocentrisme (MON plaisir avant tout) ; pour eux, les autres sont des juges qui ne comprennent rien à leur situation et passent le temps à verser des tonnes de paroles parfois blessantes (autant mieux boucher les oreilles et ne faire qu’à sa tête) ; d’autres deviennent de grands paresseux et voleurs ; certains pour s’adapter à leur environnement vont devenir de grands menteurs et manipulateurs (je mens et manipule pour n’avoir pas m’expliquer ou pour avoir de quoi me procurer ma dose), d’autres se dessinent leur monde idéal dans leur tête où ils le rôle qu’ils ont toujours rêvé sans aucun lien avec la réalité, etc.
Lorsqu’on considère ces éléments et bien d’autres en fonction du profil du patient, on se rend bien compte que le rétablissement ne saurait être une affaire d’arrêt de la consommation. Il est plus que nécessaire de travailler sur la transformation de ce mode de fonctionnement qui découle de l’addiction. Il faut amener le patient à voir la vie autrement. Il faut reconstruire AVEC LUI sa manière de juger les situations, sa manière d’envisager la vie, de se projeter, de se construire mais surtout d’agir. Il est important de souligner « AVEC LUI » car le patient est le premier acteur de son rétablissement, rien ne peut se modifier profondément en lui s’il ne coopère pas.
Cette transformation exige une relation saine et respectueuse entre les 3 partenaires (Fondation KAM-SIHAM – Patient – Famille) mais surtout un niveau de vérité à 100%. Ce n’est qu’à partir de ce moment que le rétablissement se met véritablement en marche : c’est ce qui garantit le succès du sevrage. C’est à dire un processus de transformation de soi, qui inclue l’arrêt de la consommation du produit, mais également la rupture avec l’identité ancienne, ainsi que les attitudes et comportements qui vont avec.
3. Les habitudes ont la peau dure : la nécessité du temps
Lorsque le patient s’empresse de sortir car il pense être déjà « GUÉRI », on dit qu’il a activé le mode chronomètre. Le mode chronomètre est un indicateur qui nous permet de voir que le patient est hors du processus de soin. Parfois les familles se mettent également en mode chronomètre. Elles pensent que leur patient stable est déjà GUÉRI ou espèrent un changement digne d’un tour de magie (instantanément). En addictologie, on parle de « RÉTABLISSEMENT » et non de « guérison ». L’addiction est une maladie « chronique » c’est-à-dire qui s’inscrit dans la durée et son rétablissement implique également du temps. Le patient doit se donner du temps et sa famille également. L’un des pièges à la sortie des patients est de partir avec des certitudes : « je suis guéri et blindé ». C’est une porte ouverte sur la rechute. L’attitude adéquate serait : « je suis sur le chemin du rétablissement. Ça va prendre du temps. Il pourrait avoir des chutes mais je suis déterminé à avancer en suivant les consignes reçues de la Fondation KAM-SIHAM tout en étant ouvert et vrai ». On ne change pas son mode de fonctionnement en un claquement de doigt. Cela exige un travail minutieux et permanent. Ce qui peut être éprouvant pour le patient et la famille qui espèrent un changement instantané. Le rétablissement passe donc également par l’acceptation de la durée du rétablissement.
En conclusion, le rétablissement est un processus qui s’inscrit sur la durée. Il passe par l’exploration profonde du problème du patient, la découverte de celui-ci, de son histoire, de sa personne. Il passe également par un travail de transformation de sa manière de penser, d’agir et de se projeter sur l’avenir. Le rétablissement exige la compréhension des partenaires du soin : Fondation KAM-SIHAM – Patient – Famille. Un partenariat qui doit reposer sur les valeurs de respect, de vérité et de confiance. Ce partenariat est le socle qui porte le rétablissement. La défaillance d’un partenaire peut entraîner la chute d’un long travail déjà effectué et demander de tout recommencer.
La drogue ouvre un robinet que l’arrêt de la drogue ne ferme pas nécessairement.
Fondation KAM-SIHAM, La chaîne de l’espoir